Même si les 23h de la BD étaient finies, Rosalys a investi beaucoup d’énergie dans les dernières planches de notre histoire Workaholic. Vous allez désormais pouvoir découvrir le dénouement de l’intrigue. Assez parlé, place aux planches. On se retrouve plus bas pour évoquer mes intentions concernant le scénario de cette BD.
Comme je l’ai précisé dans le feu de l’action, j’ai commencé les 23h de la BD en faisant des recherches autour du thème qui était proposé, à savoir “Légende urbaine”. Les premières minutes de réflexion ont vu mes idées partir dans tous les sens. J’ai toutefois réussi assez vite à dégager les lignes directrices de mon scénario. Voici la première version du synopsis telle que je l’ai soumise à ma dessinatrice à 13h45 :
Une société en informatique. Des gens qui travaillent beaucoup. Beaucoup de pression.
Il est tard. Une jeune femme de 30 ans fait des heures sup’. Elle va prendre un coca au distributeur (la question qui surviendra plus tard, c’est : est-ce vraiment du coca ?). Il y a de l’orage. Un fantôme lui apparaît. Lui dit de la rejoindre/lui fait prendre conscience que le travail la bouffe. Option comique possible : le fantôme avertit l’héroïne de la manière suivant “Attention, tu risques de te retrouver dans l’Enfer des Vierges après ta mort !” (référence à Stairway to Heaven).
Le lendemain, elle pose sa démission. Elle disparaît (planches 12-14/22). Ensuite beaucoup de “on-dit” au sein de l’entreprise. Suspense. Certains pensent qu’elle s’est suicidée.
Une légende urbaine se développe au sein de l’entreprise : “si on travaille avec trop d’acharnement, on risque de mourir.”
Dans les dernières planches, on apprendra ce qu’est devenue la jeune femme : elle prend le temps de vivre, s’est trouvée un ami et se lance dans l’illustration.
Quant à l’entreprise, elle est un peu moins à la pointe, mais est toujours viable. Les salariés travaillent un peu plus tranquillement.
Vous constaterez que certaines pistes ont été abandonnées (j’ai hésité à ajouterdes éléments comiques). D’autres se sont affinées. En particulier, je souhaitais proposer :
- Une critique sur la société : en l’occurrence, dénoncer le productivisme forcené qui conduit certains individus à s’oublier. Un sujet proche de l’actualité, et plus particulièrement de la vague de suicides qui touche actuellement certains constructeurs automobiles. La pénibilité du travail et le stress auquel sont souvent exposés les salariés des grandes entreprises constituent des sujets de réflexion qui me tiennent à cœur ;
- Une (brève) réflexion sur la manière dont se construit une “légende urbaine” (d’où l’importance des “on-dit”) ;
- Un message optimiste ;
- Du suspense : il s’agissait de piquer la curiosité de ceux qui liraient les planches une par une au fil des heures. Il me paraissait donc important d’entretenir le mystère quant aux causes de la disparition de l’héroïne ;
Je me suis ensuite attaché à affiner le synopsis, à mettre du liant entre les différents éléments… et à préciser, planche par planche, le découpage de l’histoire (ceci afin de bien maîtriser la contrainte des 22 pages). J’ai ensuite storyboardé les planches une par une en proposant un découpage en cases, en mentionnant précisément ce qui devait s’y passer et en écrivant les dialogues. Dans une BD, j’accorde beaucoup d’importance à la fluidité des propos tenus par les personnages – j’ai donc apporté un soin particulier à la façon de parler des héros de Workaholic.
L’apparition du “fantôme” en a surpris certains, jusqu’à ma dessinatrice. Mais il s’agissait d’un facteur de suspense qui m’était cher. En créant une ambiance un brin oppressante (avec orage et coupure d’électricité), je faisais un clin d’œil appuyé aux films de fantôme. Et pouvais ainsi faire croire à mes lecteurs qu’un spectre prenait vie sous les yeux effarés d’Amina.
Ce “gardien d’une terre maudite” existe-t-il vraiment ? Quelles sont ses véritables intentions ? Je tenais à laisser ces questions ouvertes. Car là n’est pas, de toutes manières, l’essence du récit. Qui plus est, le propre de nombreuses légendes urbaines est de reposer sur des faits relativement flous, équivoques. Plusieurs interprétations sont possibles et chaque lecteur a la possibilité de se faire son propre avis sur la question : Amina, de par sa grande fatigue, était-elle plus sensible pour entrer en contact avec des entités paranormales ? A-t-elle été simplement victime d’hallucinations ? Quelle est l’origine du “gardien” ? Pourrait-il être un esprit comme ceux qu’on croise dans les œuvres de Hayao Miyazaki (à l’instar des divinités du Voyage de Chihiro) ? Que souhaite-t-il protéger ?
Beaucoup de questions restent ainsi sans réponse, concourant à bâtir une rumeur bien au-delà de la seule disparition d’Amina.
Ces interrogations ne devaient toutefois pas parasiter le reste du message. D’où le soin accordé à la “transformation” d’Amina, à la fin de la BD. L’héroïne est passée très près d’un drame. Elle a retenu la leçon. Et elle est redevenue maîtresse de sa vie, de ses envies. Elle a recentré son existence sur ce qui a vraiment de l’importance pour elle. Un élément anecdotique parmi d’autres permettait de l’illustrer : désormais, elle prend le temps de boire du café. La trajectoire d’Amina nous invite ainsi à une certaine sagesse : ne pas s’oublier, savoir s’écouter quelles que soient les pressions extérieures.
Je conclurai en mentionnant simplement le grand plaisir pris dans cette aventure. Et la joie de voir mon histoire mise progressivement en images par Rosalys. Une expérience que j’espère avoir l’occasion de renouveler prochainement.
Ah bon, tu espères renouveler l’expérience ? Simple : AU BOULOOOOOOOOT !!!! ^o^