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Aujourd’hui, partons à la découverte d’un shôjo manga qui intègre, au coeur de son intrigue, les réseaux sociaux – en l’occurence Twitter, très populaire chez les lycéens japonais. « @Ellie », dont le titre français est une référence directe aux noms d’utilisateurs sur Twitter, est une nouvelle série qui débarque chez l’éditeur Kana ce 31 août 2018 ! Dès les premières annonces autour de cette nouvelle licence, j’avais été attiré par le fait que l’un des ressorts narratifs de l’intrigue soit justement le numérique et les réseaux sociaux, thèmes chers à mon coeur d’enseignant/chercheur en informatique. Après vous avoir rapidement résumé l’histoire, je partagerai avec vous mes impressions – très positives – sur ce titre, et terminerai par quelques mots sur le contexte de publication de ce manga au Japon.
Une fille qui se lâche sur les réseaux sociaux et partage, sous couvert d’anonymat, une vision fantasmée de sa vie amoureuse avec l’un des beaux gosses du lycée ! Lequel beau gosse, moins lisse qu’il n’y paraît de prime abord, découvre le pot-aux-roses et commence à s’amuser avec les émotions de la jeune fille… à moins que lui aussi n’éprouve des sentiments pour elle ? Telle est la base de l’histoire qui relie Ellie, lycéenne transparente aux yeux de ses camarades, et Ômi, le garçon qui ne compte plus le nombre de filles qu’il fait craquer. Elle est honnête sur ses sentiments, mais ne parvient à les exprimer qu’anonymement sur Twitter, et reste insignifiante au regard des autres. Lui, d’apparence joviale, suscite toutes les sympathies… mais n’est pas aussi sincère que son côté charmeur pourrait laisser croire. Les deux vont nouer une relation singulière qui pourrait les faire grandir.
Dire que j’attendais le manga « @Ellie » avec impatience est un euphémisme ! Plusieurs raisons à cela : d’abord, le côté moderne que confère au manga le fait d’aborder frontalement les réseaux sociaux et les interactions qui en découlent. Car Ellie alimente régulièrement son compte Twitter de ses délires amoureux… et pas uniquement dans les pages du manga ! En effet, l’éditeur français Kana a eu l’excellente idée – et c’est vraiment une initiative à saluer – de transposer en français le compte Twitter que les Japonais avaient créé pour faire comme si le personnage existait pour de vrai. En allant sur le compte Twitter de @Ellie_crazylove, vous pourrez ainsi découvrir les tweets que Ellie poste au quotidien dans le manga… comme si la fiction et la réalité se rejoignaient. Ce qui est d’autant plus sympa, c’est que les internautes se prennent au jeu et répondent à leur tour aux tweets d’Ellie. Je suis curieux de voir s’il se pourrait que, dans les prochains tomes, l’autrice du manga s’inspire des réactions « in real life » suscitées par ce compte.
Deuxième raison pour laquelle j’étais curieux d’en savoir plus : depuis plusieurs années, l’éditeur Kana a le chic pour éditer d’excellents shôjo mangas, différents des histoires d’amours classiques entre lycéens – ces derniers mois, deux excellentes séries m’avaient tapé dans l’oeil : « Banale à tout prix » et « Au-delà de l’apparence ». Le genre de relations qui, au début de l’intrigue, se noue entre Ellie et Ômi en rappelle d’autres… mais, dès le premier tome, « @Ellie » arrive à se démarquer grâce à plusieurs originalités. Tout d’abord, avant de creuser la romance qui pourrait naître entre les deux protagonistes, l’histoire s’intéresse d’abord à l’entourage d’Ellie… tout simplement inexistant. Forcément, quand on est transparente aux yeux de ses camarades, rien n’est facile. Mais une lycéenne va apparaître dans les connaissances d’Ellie : une amie potentielle ? Une personne juste intéressée par le fait de se rapprocher d’Ômi ? Je vous laisserai le découvrir en lisant ce manga. Le coup de force est d’introduire ainsi, progressivement, différents personnages en apparence mystérieux sur leurs motivations intrinsèques… que le lecteur, comme Ellie, devra mettre à jour.
Le titre joue sur les penchants un peu « pervers » – c’est le terme utilisé dans l’histoire – qu’aurait l’héroïne et que celle-ci n’assumerait pas. Derrière ces éléments de perversion se cachent en fait des sensations naturelles pour celles et ceux qui éprouvent un sentiment amoureux : l’envie de toucher la main de l’autre, d’être complimenté(e), de partager un baiser. Quand on replace le titre dans son contexte culturel – il faut se rappeler qu’au Japon, le simple fait de se tenir la main en public est loin d’être anodin -, on comprend mieux pourquoi c’est un mot aussi fort qui a été utilisé. Il en résulte nombre de situations amusantes finalement simplement liées à la sincérité de sentiments naissants. Et l’on se prend facilement d’affection pour Ellie et Ômi, dont on espère qu’ils s’épanouiront tous deux au contact l’un de l’autre.
« @Ellie » – de son titre japonais « 恋わずらいのエリー» (Koiwazurai no eri) – est la première série longue de son autrice, Fujimomo. Celle-ci s’est faite repérer en 2011 grâce à une histoire courte publiée dans le magazine « The Dessert » (The desāto). Elle a démarré @Ellie en 2015 dans le magazine mensuel de pré-publication デザート (Desāto). Quand on se rend compte de cela, on comprend mieux l’originalité et la patte qu’il y a derrière ce manga. En effet, le magazine デザート (Desāto) est un concentré de titres de qualité, avec des shôjo intenses dans leur description des sentiments et basés sur des situations qui sortent de l’ordinaire. C’est dans ce même magazine qu’est publié « Au-delà de l’apparence », que j’évoquais un peu auparavant dans cette chronique, ou encore le manga « Irrésistible », récemment arrivé chez Kana. Dans le passé, les pages du magazine ont accueilli l’excellent « La Maison du Soleil », auquel j’avais consacré une précédente critique, et le détonnant manga « Le Garçon d’à côté ». Bref, les fées qui se sont penchées sur « @Ellie » sont douées, et le titre promet beaucoup. Au Japon, le 7e volume est sorti en août 2018 et la série est toujours en cours. Une belle histoire à suivre !
Pour finir, sachez que, comme souvent chez Kana, le chapitre 1 de @Ellie est disponible gratuitement en ligne sur le site de l’éditeur. Vous pourrez donc vous faire un premier avis sur ce manga que je vous encourage chaudement à découvrir.