De par le passé, j’ai déjà évoqué les rapports incestueux qu’entretiennent parfois les mots avec certaines idéologies. Le milieu des ressources humaines en est, à l’heure actuelle, une des illustrations les plus frappantes.
Dans son édition du 12 avril, Télérama aborde de nouveau ce thème, à travers un petit article ravageur, au titre évocateur “Etudiant ou épargnant ?”
Il s’agit de stigmatiser le récent remplacement des unités de valeur (UV) par les crédits européens (European Credit Transfer System ou ECTS). Un papier un brin polémique, mais qui a le mérite de capter l’attention du lecteur et de le faire réfléchir sur cette évolution du langage. Car l’enseignement fait l’objet, depuis quelques années déjà, d’une véritable marchandisation. Et si l’auteur y va un peu fort en se demandant “à quand les copies d’étudiants rebaptisées “relevés mensuels” et les échecs aux examens “soldes débiteurs”” , il n’a pas vraiment tort d’écrire que des crédits, cela permet de “comprendre qu’apprendre, c’est déjà faire du fric et que les études, ça se gère comme un compte en banque“. Les élèves deviennent peu à peu les clients d’un gigantesque supermarché de l’enseignement, panachant leur formation avec les cours qui leurs paraissent les plus attractifs. Un système dans lequel l’emballage risque de prendre. Et l’emballage risque, à terme, de primer sur le contenu.
Sur des thèmes connexes, on pourra lire avec profit L’école républicaine mise en bière, par Louis Weber (Le Monde Diplomatique, mars 2005) ou L’école n’est pas une entreprise : Le néo-libéralisme à l’assaut de l’enseignement public, par Christian Laval.
Les cours “à la carte”, je les vis un peu ici, puisque tous les cours correspondent à un certain nombre de crédits et que chacun fait un peu son marché en fonction de cela. Il suffit qu’une entreprise dise à certains de ses salariés de prendre un cours dans tel domaine pour que les rangs de l’université (gratuite ici) grossissent subitement. On entre donc de plain-pied dans cette dialectique perverse client / fournisseur, avec des gens qui font des tours de passe-passe avec les crédits. Pas très encourageant, car cette mentalité calculatrice est déjà bien ancrée dans les esprits.
Cette tendance est hélas, loin d’être nouvelle : l’éducation avait été incluse dans les négociations sur la libéralisation des services de l’OMC qui dure malgré tout depuis 2000 !!
Pour les néo-libéraux, TOUT est marchandise… ce que le langage reflète c’est la mainmise de l’économique (et pas n’importe quel économique en sus) sur tous les autres secteurs de la société, comme si une société était une juste une économie devant répondre parfaitement aux postulats néo-libéraux, comme si la société était une société (d’entreprise), Elf, Danone ou autre… là aussi la tournure du langage est intéressante… ;p
Effectivement, les mots dépassent souvent en importance la valeur qu’on leur donne couramment.
Je signale un blog que j’ai récemment découvert et qui traite des mots (au lieux de les maltraiter!) : http://aixtal.blogspot.com/