Plates-bandes de J-C Menu

Plates-bandes est un essai de J-C Menu édité dans la nouvelle collection Eprouvette de l’Association.

Menu, de par son action au sein de l’Association, est une figure emblématique de la bande-dessinée indépendante française. Ne mâchant pas ses mots, il propose dans cet ouvrage une analyse sans complaisance de l’évolution qu’a connu la bande dessinée ces dernières années. Il se penche notamment sur l’essor des éditeurs indépendants et – sujet concomitant – sur les mécanismes qui ont conduit à l’émergence d’une nouvelle vision de la bande-dessinée. Il revient aussi sur plusieurs des événements qui ont agité le microcosme bédéphile en 2003 et 2004 : les grandes manoeuvres de Soleil avec son fameux Bande-Dessinée Magazine, la démarche éditoriale de Casterman avec sa collection Ecritures, la polémique “Sfar” autour du festival d’Angoulème, etc.

Menu avance parfois des arguments très contestables (on pense, entre autres, à son dénigrement des auteurs “qui s’inspirent de“, tels Craig Thomson ou Philippe Squarzoni) mais ses critiques sont bienvenues. A l’instar du rôle qu’a joué L’Association durant les quinze dernières années, cet essai est plus qu’un pamphlet poil-à-gratter. Il invite à réfléchir sur l’essence de la bande-dessinée. Il met en évidence la période charnière que vit actuellement cet art. L’introduction est, en cela, particulièrement révélatrice, Menu présentant son texte comme un acte de “résistance“, pour “faire en sorte que l’extrapolation du champ des possibles opérée depuis une quinzaine d’années dans le domaine de la Bande Dessinée francophone ne soit irrémédiablement digérée par les forces mercantiles à l’oeuvre et par un corporatisme en pleine offensive“. Un discours relativement séduisant.

Même s’il a été rédigé avec une sincérité évidente, l’essai de Menu souffre des défauts inhérents à beaucoup de livres édités par l’Association : un élitisme qui confinerait presque à la pédanterie intellectuelle, tant sur le fond que sur la forme. Ainsi, l’image que l’auteur renvoie du public bédéphile est loin d’être reluisante. Loin de moi l’idée de défendre ce public dans son intégralité ; mais force est de constater que la photographie que l’on pourrait en prendre est plus contrastée que ce qui ressort de Plates-bandes. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Par ailleurs, en dépit des efforts pédagogiques évidents que fait Menu, ses références risquent de rester obscures pour beaucoup. Elles nécessitent en effet une solide connaissance de l’histoire de la bande-dessinée sur les vingt dernières années. Même si cela semble être un choix éditorial assumé de la collection Eprouvette, nous ne pouvons que le regretter. Car l’essai de Menu donne souvent l’impression de ne viser qu’une faible partie du lectorat de BD – celle que l’Association a justement essaimé et fait grandir depuis le début des années 1990.

En dépit de ces réserves, je pense que cet ouvrage devrait répondre aux attentes de ceux qui cherchent matière à réfléchir sur le marché actuel de la bande-dessinée : en quoi les rachats de maisons d’édition historiques risquent de bouleverser la donne ? Quel a été l’impact des indépendants sur l’image de la bande-dessinée en France ? Comment cette branche de l’art séquentiel a-t-elle réussi à se défaire de l’étiquette de “sous-art” ? Comment peut-on caractériser la bande-dessinée ?

Version enrichie d’une chronique initialement publiée sur Mangajima.

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