Une fille d’une dizaine d’années, passionnée par le piano, est sur le point de passer un concours important. Elle a décidé qu’elle arrêterait de pratiquer cet instrument si elle échouait.
Le jour J, elle donne une prestation remarquable jusqu’à ce qu’un élément extérieur réduise en miettes sa concentration et, avec elle, ses rêves : une admiratrice est entrée dans la salle d’examen pour demander un autographe à la présidente du jury… que celle-ci consent à lui donner.
Des années ont passé. Mélanie termine son BTS par un stage pratique dans le cabinet d’un avocat. Celui-ci recherche, pour les vacances de Toussaint, une baby-sitter. Mélanie propose ses services et emménage momentanément chez les Fauchécourt. Là, elle côtoie Ariane Fauchécourt, concertiste, son ex-présidente du jury. Ariane ne reconnaît pas la jeune femme. Elle aurait peut-être du. Pétrie de doutes, elle cherche un soutien et croit le trouver en la personne de Mélanie, dont elle fait sa tourneuse de pages. Un rôle d’importance dont la performance de l’artiste dépend directement. Entre rancoeur et admiration, quel est le véritable dessein de Mélanie ?
Filons la métaphore musicale en précisant d’emblée que la partition de Denis Dercourt est pleine de subtilité. Le réalisateur met en scène avec finesse l’ambiguïté des sentiments, la fragilité d’une star jadis au firmament, la force tranquille et inquiétante d’une jeune pousse.
Quand Mélanie s’aventure dans les couloirs sombres du sous-sol de la villa, le spectateur plonge avec elle dans les tréfonds des âmes. Il n’en ressortira véritablement qu’avec le générique de fin. Entre temps, il aura eu le loisir de décrypter chaque geste pour tenter d’apporter un peu de lumière sur les motivations de chacun.
L’habile construction que constitue La Tourneuse de Pages repose pour beaucoup sur ses personnages et, de fait, sur la performance de ses acteurs. Déborah François, révélée dans L’Enfant, est remarquable dans ce rôle à l’opposé de celui qu’elle avait assuré dans le film des Dardenne : ici, les expressions de son visage restent constamment sous contrôle, elles ne dévoilent que quelques rares et équivoques sourires. Catherine Frot est, elle aussi, très convaincante dans la peau de cette femme forte devenue étrangement instable.
Denis Dercourt signe ainsi un nouveau long-métrage séduisant. Seuls ceux qui sont réfractaires à certaines conventions du cinéma d’auteur français (ellipses, lenteurs des séquences, économie des dialogues) devraient être déçus.
La Tourneuse de Pages est donc, vous l’aurez compris, un petit plaisir bien agréable en cette période estivale, souvent synonyme de disette cinéphile.