Il passe actuellement au cinéma un film susceptible d’intéresser toute personne avec quelques velléités d’écriture, L’incroyable destin de Harold Crick.
Avant d’en évoquer plus précisément le sujet, petit aparté concernant le titre français : je suis prêt à parier qu’on devrait bientôt voir apparaître sur le Net des mouvements anti-{fabuleux, incroyable} destin. Il faut dire que la manoeuvre du distributeur français, qui a certainement souhaité surfer sur l’effet Amélie Poulain, n’est pas des plus fines. C’est pourquoi, dans la suite de ce billet, j’évoquerai ce long-métrage de Marc Forster sous son appellation originelle, Stranger than fiction.
C’est l’histoire d’un contrôleur des impôts qui mène une vie terne et banale. Son quotidien, auparavant réglé comme du papier à musique, prend un tour imprévu le jour où il entend une voix narrer non seulement ses actions mais aussi ses pensées. De fil en aiguille, il découvre qu’il est le personnage d’un roman dont l’auteur, Karen Eiffel cherche désespérément à écrire la fin. Et, pour ce faire, elle a décidé de tuer Harold. Celui-ci n’a plus qu’un espoir : prendre sa vie en main et tenter de transformer en comédie la tragédie à laquelle l’écrivain souhaitait donner naissance.
Le scénario signé Zach Helm – une jolie mise en abîme du processus de création littéraire – est mis en valeur par la réalisation de Marc Forster et le jeu des acteurs (Emma Thompson, Maggie Gyllenhaal, Dustin Hoffman mais aussi Will Ferrell, horripilant dans un bon nombre de ses prestations précédentes, qui propose ici une composition efficace et sans excès). Le film s’ouvre sur quelques intéressantes séquences où intervient un peu d’animation pour suggérer qu’Harold maintient son existence dans une rigueur mathématique paralysante : il compte le nombre de pas nécessaires pour traverser un passage piéton, il trouve en quelques secondes le résultat d’une multiplication de nombres à 3 chiffres, il ne laisse jamais rien au hasard. Ce carcan vole en éclat quand il prend conscience de sa mort prochaine. Si le propos peut paraître convenu, il s’illustre par l’originalité de son traitement. D’autant plus que l’intrigue évite l’écueil des rebondissements mélodramatiques qu’on a l’habitude de trouver dans les productions américaines. Le film évite ainsi le pathos pour offrir à la place une réflexion sur les rapports entre un auteur et ses personnages.
Vous l’aurez compris, Stranger than fiction est une des bonnes surprises cinématographiques de ce début d’année !