Trop souvent, nous oublions d’être heureux de ce que nous avons. Nous désirons plus, nous sommes pris dans les rouages du quotidien, nous ne voyons plus l’éphémère de chaque expérience, de chaque personne, de chaque lien. Grossière erreur que la vie nous amène, parfois violemment, à revoir.
Mon été était sensé être dédié à la rédaction de ma thèse de doctorat. Il a finalement été centré sur un chamboulement majeur, la disparition brutale de mon père. Après un tel événement, il serait illusoire de chercher à retrouver le même équilibre qu’avant : on acquiert un nouvel équilibre, mais avec une absence et une maturité supplémentaires. Ce que Manu Larcenet a très bien décrit dans le troisième tome de son Combat Ordinaire (série majeure de la BD), dont je vous conseille très vivement la lecture et dont je vous propose ici un extrait :
“Mon père est mort. Je ne crois pas que je mesure encore bien toute l’étendue du cataclysme. Quand je ne serai plus anesthésié par la brutalité de sa disparition, j’entreverrai alors peut-être toute l’étendue intime du deuil. Pour conjurer la peur, depuis tout môme, j’ai imaginé ce moment sous toutes ses coutures. Je l’ai tellement fantasmé que lorsqu’il est arrivé, j’ai été soulagé. Étrangement, c’est comme si je m’étais dit “on y est. C’est arrivé. Une horreur de moins à vivre, c’est toujours ça de pris.” Mais dans ces innombrables fantasmes morbides, ces mises en scène, dans chaque préparation rituelle, il y a une chose que je ne pouvais pas savoir : rien ne prépare à la permanence de l’abomination.”
Après ce coup porté au coeur, j’avais besoin de prendre du temps. Pour réaliser. Pour digérer. Pour me relever.
Alors, que ce soit sur ce blog ou dans la vraie vie, j’ai marqué une bonne respiration, et je suis reparti. Car le chemin se poursuit, avec de nouveaux projets et des perspectives prometteuses.
Mon père avait quelques fois commenté mes billets. Ces derniers mois, il s’était découvert une passion pour la photo. Du coup, j’ai envie de terminer ce billet un peu spécial sur un des clichés qu’il m’avait adressés l’hiver dernier, une vue sur son si cher lac d’Annecy.
Au revoir, mon père. Tu me manques. Je t’aime.