Coup de projecteur sur un auteur japonais méconnu en France, mais dont l’oeuvre atteste (déjà) d’un sacré talent : Inio Asano.
Né en 1980, il a déjà signé deux titres remarquables (édités en France chez Kana) : Un Monde Formidable et Le Quartier de la Lumière. Ces albums sont des recueils d’histoires courtes liées par un fil directeur. Asano a également donné naissance à des récits plus longs, à l’instar de Solanin, dont le premier des deux tomes est paru en début de mois. C’est sur cette série que je m’attarderai aujourd’hui.
Par certains côtés, la vie de nombreux Japonais n’a rien d’enviable : soumis à la compétition dès leur plus jeune âge (pour intégrer la meilleure école, puis la meilleure université), ils sont ensuite destinés à devenir des employés modèles dans des entreprises policées. Seule parenthèse dans leur existence : les années d’études supérieures, qui leur permettent de profiter un minimum de la vie. L’arrivée dans le monde du travail n’en est que plus rude. C’est la cruelle découverte que fait Meiko Inoue au début de Solanin. “Office Lady” (c’est-à-dire employée dans une société du tertiaire), elle ne supporte plus la routine métro-boulot-dodo, l’hypocrisie de ses collègues ainsi que leur apparent détachement quant au monde qui les entoure. Fatiguée de limiter ainsi ses horizons, elle décide de démissionner et de se donner du temps pour trouver sa voie.
Meiko et ses amis témoignent bien de la difficile quête de sens à laquelle est confrontée une partie des jeunes nippons : plutôt que de rentrer dans le rang et de sacrifier leur existence sur l’autel de la productivité, ils tentent de construire des chemins leur permettant de concilier leur épanouissement avec les impératifs du quotidien. Inio Asano embrasse ainsi un sujet de société ambitieux et le traite avec beaucoup de finesse.
Les héros de Solanin se retrouvent régulièrement autour du groupe de rock qu’avait fondé Taneda, le copain de Meiko, à l’Université. Ils incarnent tous une manière de s’intégrer (ou non) dans des moules. Entre Crack – qui s’apprête à reprendre la pharmacie de ses parents -, Katô – l’éternel étudiant se peut qui retarde autant que faire son entrée sur le marché de l’emploi -, Taneda – “freeter“, i.e. travailleur à temps partiel – ou encore Meiko, les solutions envisagées sont différentes, mais aucune ne paraît concluante. Chacun semble receler une faille qui, à tout moment/instant, menace de venir emporter l’édifice sur lequel ils ont bâti leur fragile équilibre. Ce que confirmera la percutante fin du premier tome.
Solanin fait partie de ces lectures dont le lecteur ne ressort par indemne. On est d’autant plus bouleversé par le sort de ces personnages qu’ils nous interpellent sur notre philosophie de vie. Comment continuer à exister individuellement quand tout concourt à formater les êtres ? Telle est l’une des questions fondamentales que soulève cette très belle bande-dessinée !
Solanin, par Inio Asano
Série (terminée) en 2 volumes
Genre : récit du quotidien de jeunes adultes japonais
À partir de 15 ans
Éditeur : Kana
Collection Made In
ISBN 978-2505002147
J’ai lu le volume 1. J’ai adoré. Et comment ne pas se reconnaître…
Une fois de plus, nous sommes d’accord, Mo. Moi j’l’ai lu y’a pas longtemps (entre deux relectures de Yumenosoko et Hana-Bôro), j’ai trouver ça magnifique.
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