La deuxième édition de Japan Expo Sud s’est tenue du 19 au 21 février 2010 à Marseille. Avec Univers partagés, nous étions évidemment présents pour couvrir l’événement. Et puisqu’un des leitmotiv de notre association est le partage, c’est tout naturellement que nous allons inviter nos lecteurs à revivre les temps forts de la manifestation tout au long de la semaine. Retrouvez ici, chaque jour à 12h, un nouvel article sur Japan Expo Sud !
Player One… ces deux mots doivent rappeler bien des souvenirs aux fans de jeux vidéos et de mangas des années 90. Il s’agissait là d’un des principaux magazines sur le sujet. Il a vu le jour en 1990 pour s’éteindre en 2000. Entre temps, l’édition de manga en France avait commencé à décoller. Et de Player One avait émergé une maison d’édition spécialisée dans le domaine : Manga Player. Quand le bateau mère a coulé, tout semblait compromis. C’était sans compter avec l’énergie d’une partie de l’équipe qui a vite repris le flambeau et créé une nouvelle société dédiée à l’édition : Pika, racheté par Hachette en 2007, et devenu le 3e éditeur français de manga.
C’est cette histoire mouvementée, mais féconde que racontent Olivier Richard et Alain Kahn dans Les Chroniques de Player One. Cet ouvrage est l’un des tous premiers à décrire de manière documentée et structurée l’essor du jeu vidéo, du manga et des milieux éditoriaux afférents en France. Une initiative louable, qu’apprécieront tous ceux qui, comme moi, ont vécu ces années-là en tant que fan et qui désirent, désormais, en savoir plus sur les coulisses de l’époque ! Car nous sommes nombreux à avoir lu Player One dans notre jeunesse, à avoir été marqués par les rédacteurs qui signaient dedans (de Crevette à Milouse en passant par Iggy ou El Didou) et à avoir eu envie, à notre tour, de jouer un rôle actif dans nos passions. De fait, le livre aurait également pu s’appeler “Génération Player One” tant le milieu qu’il dépeint a profondément marqué les esprits.
À l’occasion de Japan Expo Sud, Olivier Richard et Alain Kahn se sont prêtés à l’exercice des questions-réponses avec le public. Ils ont ainsi évoqué deux décennies de jeu vidéo et de manga. Car Player One est né la même année que la publication du premier tome d’Akira dans l’hexagone par Jacques Glénat. C’était donc le tout début de la BD japonaise en France. Depuis, le manga a été le phénomène que l’on sait, en témoignent les chiffres de fréquentation d’un salon tel que Japan Expo ! Là où Japan Expo (Villepinte) et Japan Expo Sud totalisent, à eux deux, plus de 200 000 visiteurs, les deux principaux salons parisiens de jeu vidéo atteignent doucement les 80 000 entrées. Un différentiel qui montre bien l’engouement indiscutable pour la culture asiatique sous toutes ses formes.
“Alors pourquoi n’y a-t-il pas plus d’émissions mettant à l’honneur les jeux vidéos et les mangas à la télévision ?“, demande alors un spectateur. Olivier Richard, qui a été directeur des programmes à Europe 2 TV puis Virgin 17, rappelle alors combien le jeu vidéo peut être perçu comme un concurrent de la télévision. Quel intérêt pour les grandes chaînes, dans ces conditions, d’évoquer un tel média ?
Il ajoute que les groupes tels que TF1/France Télévision/etc. visent en priorité la ménagère de moins de 50 ans… Une cible restée longtemps hermétique aux jeux vidéo, même si la Wii a fini par changer la donne !
Quant aux dessins animés japonais, Olivier Richard rappelle que les fans sont certes nombreux, mais cela ne garantit pas des réussites au niveau de l’audience. Un fait qu’il a malheureusement expérimenté par lui-même à Europe 2 TV. Seules des “marques” telles que Dragon Ball, Naruto, One Piece – titres qui ont déjà acquis une certaine renommée via leur format papier – sont bien reçus par le public. Avec la télévision, il est primordial d’identifier ce qui est véritablement grand public et ce qui ne l’est pas.
Face à la multiplication des supports numériques (smartphones et tablettes tactiles), il se pose désormais la question de l’évolution du marché de la presse et de l’édition. Selon Alain Kahn, la presse papier est d’ores et déjà condamnée à disparaître. Grâce à la popularisation des tablettes (sous l’effet, notamment, de l’iPad d’Apple), elle devrait avoir une occasion unique d’entamer une révolution complète… Ce qui, à terme, devrait donc conduire à l’émergence d’une presse enrichie (via des photos, de la musique, etc.).
En ce qui concerne les livres, Alain Kahn insiste sur la nécessité de distinguer ce qui est de l’ordre de l’instantané – la presse – de ce qui est durable – l’édition. Pour celle-ci, il prévoit un morcellement en trois types de médias. D’abord, le maintien des ventes des ouvrages abordables tels que les mangas, livres de poches et autres faciles à glisser dans un sac, à lire dans les transports en commun, sur la plage, etc. Ensuite, la multiplication de titres mêlant livres et objets (à l’instar de ces livres de cuisine vendus avec des ustensiles qui, depuis quelques mois, encombrent les rayonnages des librairies). Enfin, l’émergence de nouveaux contenus numériques (par exemple des bandes dessinées agrémentées de musiques et/ou d’animations). En la matière, l’avenir est donc à écrire. Avec beaucoup d’enjeux, tant dans la définition des créations digitales que dans l’émergence de nouveaux modèles économiques. Rendez-vous dans quelques années pour voir comment tout cela a évolué ?
D’ici là, je vous recommande chaudement la lecture de ces passionnantes Chroniques de Player One !
Pour découvrir d’autres éclairages sur Japan Expo Sud :
Ma réaction sera probablement similaire à celles de beaucoup d’autres gens : que de chemin parcouru en vingt ans !