Master class de Kazuki Akane sur le ekonte (storyboard japonais) à Japan Expo Sud 2010


La deuxième édition de Japan Expo Sud s’est tenue du 19 au 21 février 2010 à Marseille. Avec Univers partagés, nous étions évidemment présents pour couvrir l’événement. Et puisqu’un des leitmotiv de notre association est le partage, c’est tout naturellement que nous allons inviter nos lecteurs à revivre les temps forts de la manifestation tout au long de la semaine. Retrouvez ici, chaque jour à 12h, un nouvel article sur Japan Expo Sud !

Autre grand nom présent à Japan Expo Sud : Kazuki Akane, réalisateur – excusez du peu – de la série TV et du film d’Escaflowne, mais aussi de Heat Guy J, Noein ou encore Birdy the Mighty Decode. Il a, d’une part, participé à une rencontre-débat avec Satoshi Urushihara et, d’autre part, donné une master class sur l’art du storyboard. Plus exactement, c’était de ekonte dont il était question : le ekonte est un outil typiquement japonais, très proche du storyboard, qui permet de donner des indications précises sur les plans d’un dessin animé, avant sa réalisation effective. Les plans sont décrits de haut en bas, avec des indications sur la durée et le nombre d’images de chacun.  

L’élaboration du ekonte débute lorsque l’écriture du scénario est terminée. Le ekonte permet de décrire tout ce qu’il est difficile de décrire avec des mots, telles la narration et la succession des plans. Pour Kazuki Akane, l’un des rôles fondamentaux du ekonte est de nourrir l’imagination des animateurs. C’est pourquoi il recommande de ne pas réaliser des ekonte trop propres ou détaillés. L’important, à cette étape, est de faire passer une intention et des sentiments. Une fois le ekonte dévoilé à l’équipe de production, chaque animateur peut choisir les scènes qui lui plaisent le plus. Ce qui permet de répartir le travail harmonieusement entre les différents intervenants.

Le ekonte est l’outil du réalisateur pour imposer sa vision de l’histoire aux animateurs. Kazuki Akane se situe dans la droite lignée de Yoshiyuki Tomino (créateur et réalisateur de Gundam) en préconisant de ne pas trop détailler l’ekonte et d’ainsi laisser une marge de liberté aux animateurs. Mais certains réalisateurs préfèrent, au contraire, exercer un contrôle rigoureux du travail des animateurs. C’est le cas de Hayao Miyazaki qui élabore des ekonte très détaillés : il demande ensuite à ses collaborateurs d’y rester fidèles et de ne pas en dériver.

Arrivé à ce stade de son discours, Kazuki Akane met en avant l’importance du ekonte dans la production animée, en opposition à la préparation d’un film avec des acteurs. Pour un tournage “live“, les prises sont souvent nombreuses et, souvent, des plans sont tournés puis abandonnés lors du montage. Ce n’est évidemment pas possible en animation. Le ekonte permet donc d’avoir une vision claire sur les plans à animer, en évitant toute production superflue !

Comme nous l’avons évoqué auparavant, le ekonte diffère du storyboard classique en ce qu’il intègre des informations sur la durée et le nombre d’images de chaque plan. Ce qui implique, pour la personne en charge du ekonte, d’avoir une bonne perception du rythme de l’histoire.
Kazuki Akane a alors mis l’accent sur sa propre démarche artistique. En ce qui le concerne, il réalise une première version du ekonte sans aucune donnée temporelle. Il s’interroge alors sur le bon rythme et réfléchit au temps nécessaire pour chaque plan. Très souvent, la bande originale est créée avant la production de l’animation, ce qui lui permet de finaliser le ekonte en mettant la musique en fond sonore et en prenant des repères sur celle-ci. M. Akane aime utiliser la musique pour exprimer des émotions non visibles. Par exemple, il n’hésite pas à recourir à une composition mélancolique pour un personnage en apparence joyeux : le contraste permet alors de traduire des tourments intérieurs.  

Kazuki Akane ajoute alors que, dans cette phase, il apporte souvent des modifications à son ekonte. Il lui arrive même de supprimer certaines séquences ! C’est une autre des raisons pour lesquelles il conseille de ne pas trop soigner les dessins portés sur le ekonte. Car un ekonte trop détaillé peut inciter à ne pas faire de retouches dessus. Or il ne faut avoir aucun scrupule à effectuer des modifications, voire à abandonner des scènes… et ce, avant que les animateurs commencent leur labeur. 

Le ekonte constitue donc une étape cruciale dans la production d’un dessin animé. Dans le cadre d’un épisode de 20 minutes de série télévisée, le ekonte s’étale généralement sur 120 pages et prend 3 semaines à être finalisé. Dans le cadre d’un film tel qu’Escaflowne, il est indispensable de compter entre 4 et 6 mois de travail sur ce seul document ! En termes de gestion de la production, le ekonte de tous les épisodes d’une série n’est généralement pas terminé lorsque l’œuvre est lancée à la télévision. En fait, le ekonte du premier épisode est terminé, au plus tard, 6 mois avant sa programmation à la TV. La production rejoint progressivement la diffusion, de sorte que les retards éventuels sont de plus en plus pénalisants… Kazuki Akane avoue que sa pire expérience en la matière est d’avoir terminé un ekonte 3 semaines avant la diffusion ! Mais il reste, quoiqu’il arrive, très attaché à la conception de ce document, comme le montre la vidéo suivante.

L’essor du numérique va-t-il sonner le glas pour le ekonte ? Kazuki Akane ne le pense pas. Même si les techniques évoluent, le ekonte reste au coeur de la préparation d’un dessin animé. Il nécessite juste quelques adaptations. Il en va ainsi des réalisations 3D, pour lesquelles le ekonte doit simplement intégrer une information supplémentaire : la position de la caméra dans l’univers 3D. Kazuki Akane se dit d’ailleurs très intéressé par les effets rendus possibles par cette “caméra numérique“. Un sujet sur lequel il se penche actuellement avec plusieurs de ses collègues réalisateurs. Nul doute que nous pourrons découvrir les conséquences de cette réflexion dans une prochaine œuvre !

Pour aller plus loin :

Conférence sur le doublage par Thomas Guitard et Geneviève Doang à Japan Expo Sud 2010


La deuxième édition de Japan Expo Sud s’est tenue du 19 au 21 février 2010 à Marseille. Avec Univers partagés, nous étions évidemment présents pour couvrir l’événement. Et puisqu’un des leitmotiv de notre association est le partage, c’est tout naturellement que nous allons inviter nos lecteurs à revivre les temps forts de la manifestation tout au long de la semaine. Retrouvez ici, chaque jour à 12h, un nouvel article sur Japan Expo Sud !

Explorer l’univers du doublage, tel était le sujet passionnant auquel les spectateurs de Japan Expo Sud ont été conviés lors d’une conférence spéciale. Cette initiation était proposée par deux talentueux comédiens de doublage : Thomas Guitard et Geneviève Doang. Le premier est un directeur artistique français spécialisé dans le doublage, il a notamment travaillé sur les versions françaises de Wakfu, Gundam 00, Gurren Lagann, etc. La seconde est une comédienne de doublage qui s’est distinguée en interprétant Yoko dans Gurren Lagann, Soma Peries dans Gundam 00, Kuromi dans Animation Runner Kuromi, Dorothy dans MÄR,… “Cerise” sur le gâteau : ils assurent les voix off de NoLife. En fait, ils ne sont pas venus au doublage par hasard. Très tôt, ils ont eu un fort attrait pour cette activité, en témoigne leur participation dans la légendaire association GotohWan (structure qui a marqué de sa présence de nombreuses conventions en démystifiant le doublage via des animations sérieuses et ludiques). En devenant professionnels, ils ont finalement réussi à donner corps à leur rêve. Un parcours exemplaire !

La rencontre organisée à Japan Expo Sud a été scindée en deux temps : une phase de questions-réponses avec le public, puis des essais de doublage réalisés directement par des spectateurs. Une formule très séduisante, qui a permis d’illustrer les enjeux et les difficultés pour parvenir à un doublage réussi !

Thomas Guitard et Geneviève Doang sont notamment revenus sur les différences fondamentales entre les doublages en France et au Japon. Dans les studios français, rares sont les occasions où plus de trois comédiens sont simultanément présents pour réaliser une scène. En fait, pour faciliter la gestion du planning de chacun, les doubleurs viennent à tour de rôle enregistrer leur texte. Il est par exemple impossible de réunir, au même moment, les 15 ou 20 comédiens qui interviennent sur une même série. C’est au chef de plateau qu’il appartient alors d’assurer la cohérence du doublage : il est sensé bien connaître la série et préciser aux comédiens les principales caractéristiques des personnages et du scénario. Car quand un comédien arrive dans un studio pour doubler une série, il ne sait pas à l’avance le rôle qu’il va jouer – hormis si c’est un des personnages principaux, auquel cas un casting de voix aura été préalablement réalisé. Le chef de plateau lui présente le contexte de l’histoire, lui montre une ou deux fois la scène à doubler… Et l’enregistrement peut alors commencer ! Le doubleur a, en face de lui, un écran avec, d’une part, la vidéo de la scène et, d’autre part, la fameuse bande rythmo qui défile. C’est elle que le comédien doit suivre tout en incarnant véritablement le rôle qui lui a été attribué (d’où la nécessité, pour être un bon doubleur, de savoir jouer la comédie).

Un dispositif qui contraste très nettement avec le mode opératoire en vigueur au Japon. Là-bas, la bande rythmo n’existe pas. En fait, les comédiens reçoivent généralement à l’avance le texte qu’ils vont devoir enregistrer, le répètent chez eux, et viennent tous simultanément au studio de doublage. Contrairement aux doubleurs français, il n’est pas rare que les Japonais jouent leur texte sans regarder l’image. Cela se traduit par beaucoup de spontanéité et de dynamisme au niveau sonore. La contrepartie, c’est que, parfois, on entend des personnages parler alors qu’à l’écran, leur bouche ne bouge plus.

Malgré les différences qui subsistent entre les démarches françaises et japonaises, nombreux sont ceux qui, ces dernières années, ont remarqué de très sensibles améliorations dans les doublages français de séries animées. Pourquoi ? Thomas Guitard et Geneviève Doang pensent que la raison est à chercher du côté de l’arrivée de jeunes directeurs artistiques sur les plateaux. Ceux-ci ont grandi au contact du manga et de l’animation japonaise et savent en déchiffrer les codes (par exemple lorsqu’un personnage se transforme en S.D.). Ce qui n’est pas le cas des doubleurs ayant la cinquantaine ou plus. En outre, de véritables passionnés – séduits par l’animation japonaise depuis longtemps – sont arrivés “sur le marché”. C’est justement le cas des deux intervenants de cette conférence. Ainsi Geneviève Doang s’est investie sur la traduction d’un certain nombre des épisodes de Gurren Lagann. Un travail qui lui a permis d’aborder le doublage de l’héroïne Yuko avec une meilleure connaissance de cette oeuvre  !
 
Mais des difficultés demeurent : les ventes de DVD de séries animées japonaises chutent – sans doute à cause du piratage des médias vidéos sur Internet – de telle sorte qu’il y a moins de temps et moins d’argent attribué à la traduction, l’adaptation et le doublage de ces titres. C’est la raison pour laquelle un certain nombre de doublages sont désormais effectués en Belgique ou au Québec, où le tarif des comédiens est bien moindre. C’est le cas par exemple du doublage français de Naruto, réalisé en Belgique.
Les éditeurs cherchent donc à faire le maximum d’économies sur la production des versions françaises. Une situation parfois problématique, la qualité ayant un coût

Pour illustrer leur propos, Thomas Guitard et Geneviève Doang ont proposé au public de s’essayer au doublage d’une scène de l’anime Animation Runner Kuromi (qui dévoile justement les coulisses de la création d’un dessin animé au Japon). C’est ainsi que plusieurs spectateurs se sont lancés, dans une atmosphère conviviale et bonne enfant. La vidéo qui suit vous présente l’un de ces essais.

En France, on a longtemps critiqué le travail des comédiens de doublage sur les dessins animés japonais. Mais le contexte d’alors était bien différent. Nous avons désormais la chance d’avoir des doubleurs passionnés qui mettent beaucoup d’eux-même dans leur travail. Ils méritent vraiment que les spectateurs aillent au-delà de leurs préjugés et découvrent par eux-mêmes la qualité de la version française de Gurren Lagann, Gundam 00 ou encore Tales of Fantasia !

Pour aller plus loin :

Performance graphique de Benjamin à Japan Expo Sud 2010

La deuxième édition de Japan Expo Sud s’est tenue du 19 au 21 février 2010 à Marseille. Nous étions évidemment présents pour couvrir l’événement. Et puisqu’un des leitmotiv de notre association est le partage, c’est tout naturellement que nous allons inviter nos lecteurs à revivre les temps forts de la manifestation tout au long de la semaine. Retrouvez chaque jour, à 12h, un nouvel article sur Japan Expo Sud !

S’il est un auteur de manhua (BD chinoise) largement reconnu en France, c’est bien Benjamin. Celui-ci a signé différentes BD publiées chez Xiao Pan, a eu l’honneur d’une exposition à la galerie parisienne Arludik et a travaillé sur le premier clip de la chanteuse française Jena Lee. Malgré ce foisonnement d’activités, il continue de venir deux fois par an dans l’Hexagone à la rencontre de son public. Il a profité de son passage à Japan Expo Sud pour proposer une performance graphique mémorable, dessinant sur tablette graphique tout en répondant aux questions de l’auditoire. En témoigne la vidéo suivante, dans laquelle un spectateur demande à Benjamin d’où vient son inspiration.

L’échange lui a permis de revenir sur son parcours. Ainsi il vient de la campagne et pense que cela l’a inspiré jusqu’aux couleurs “flashy” qu’il utilise abondamment dans ses dessins. Récemment, il s’est rendu compte que les gens vivant en ville avaient une existence très dure. De ce constat il a fait deux romans, publiés uniquement en Chine. Il planche actuellement sur une nouvelle BD, Saviour, prévue pour l’été 2010 en France. Mais également sur une série d’illustrations sur le mode de vie des jeunes filles chinoises, un travail à découvrir à l’horizon 2012. Il a même révélé l’origine de son nom d’artiste, “Benjamin” : il s’agit en fait du prénom du héros de The Graduate (Le Lauréat en France), interprété par Dustin Hoffman. Le film conte l’histoire d’un jeune adulte un peu perdu dans sa vie. Si Benjamin a pu se reconnaître, à une époque, dans ce personnage, il en est désormais bien loin : ses bandes dessinées sont éditées en France, mais également au Royaume-Uni, en Suisse, en Belgique, aux États-Unis, au Brésil, etc.

Quand on lui demande pourquoi il a commencé à publier ses œuvres en France,  il répond simplement que c’était une opportunité qui lui a été offerte. De plus, selon lui, les lecteurs français sont suffisamment curieux pour apprécier une BD un peu différente.

Mais Benjamin fait lui aussi preuve d’une grande ouverture d’esprit, en témoigne son envie de se frotter à différents médias : ainsi il se dit prêt à travailler sur un nouveau projet de jeu vidéo si on le lui proposait. Toutefois, il ne garantit pas qu’il s’investirait à fond car le coeur de son métier reste la bande dessinée. Mais c’est cette envie d’explorer de nouveaux territoires qui a déjà permis à la collaboration avec Jena Lee de voir le jour. C’est le manager de cette dernière qui est venu le voir dans un festival, en 2007, pour lui suggérer un travail en commun. Le projet était sérieux et a alors vu le jour, avec le succès que l’on sait.

Quels conseils Benjamin donnerait-il aux jeunes qui veulent se lancer dans l’illustration ? D’être âpre à la tâche, d’y dépenser beaucoup d’énergie car le dessin ne permet pas qu’on ne s’y investisse qu’à moitié.

Pour découvrir d’autres éclairages sur Japan Expo Sud :

Rencontre avec les auteurs des Chroniques de Player One à Japan Expo Sud 2010

La deuxième édition de Japan Expo Sud s’est tenue du 19 au 21 février 2010 à Marseille. Avec Univers partagés, nous étions évidemment présents pour couvrir l’événement. Et puisqu’un des leitmotiv de notre association est le partage, c’est tout naturellement que nous allons inviter nos lecteurs à revivre les temps forts de la manifestation tout au long de la semaine. Retrouvez ici, chaque jour à 12h, un nouvel article sur Japan Expo Sud !

Player One… ces deux mots doivent rappeler bien des souvenirs aux fans de jeux vidéos et de mangas des années 90. Il s’agissait là d’un des principaux magazines sur le sujet. Il a vu le jour en 1990 pour s’éteindre en 2000. Entre temps, l’édition de manga en France avait commencé à décoller. Et de Player One avait émergé une maison d’édition spécialisée dans le domaine : Manga Player. Quand le bateau mère a coulé, tout semblait compromis. C’était sans compter avec l’énergie d’une partie de l’équipe qui a vite repris le flambeau et créé une nouvelle société dédiée à l’édition : Pika, racheté par Hachette en 2007, et devenu le 3e éditeur français de manga.

C’est cette histoire mouvementée, mais féconde que racontent Olivier Richard et Alain Kahn dans Les Chroniques de Player One. Cet ouvrage est l’un des tous premiers à décrire de manière documentée et structurée l’essor du jeu vidéo, du manga et des milieux éditoriaux afférents en France. Une initiative louable, qu’apprécieront tous ceux qui, comme moi, ont vécu ces années-là en tant que fan et qui désirent, désormais, en savoir plus sur les coulisses de l’époque ! Car nous sommes nombreux à avoir lu Player One dans notre jeunesse, à avoir été marqués par les rédacteurs qui signaient dedans (de Crevette à Milouse en passant par Iggy ou El Didou) et à avoir eu envie, à notre tour, de jouer un rôle actif dans nos passions. De fait, le livre aurait également pu s’appeler “Génération Player One” tant le milieu qu’il dépeint a profondément marqué les esprits.

À l’occasion de Japan Expo Sud, Olivier Richard et Alain Kahn se sont prêtés à l’exercice des questions-réponses avec le public. Ils ont ainsi évoqué deux décennies de jeu vidéo et de manga. Car Player One est né la même année que la publication du premier tome d’Akira dans l’hexagone par Jacques Glénat. C’était donc le tout début de la BD japonaise en France. Depuis, le manga a été le phénomène que l’on sait, en témoignent les chiffres de fréquentation d’un salon tel que Japan Expo ! Là où Japan Expo (Villepinte) et Japan Expo Sud totalisent, à eux deux, plus de 200 000 visiteurs, les deux principaux salons parisiens de jeu vidéo atteignent doucement les 80 000 entrées. Un différentiel qui montre bien l’engouement indiscutable pour la culture asiatique sous toutes ses formes.

Alors pourquoi n’y a-t-il pas plus d’émissions mettant à l’honneur les jeux vidéos et les mangas à la télévision ?“, demande alors un spectateur. Olivier Richard, qui a été directeur des programmes à Europe 2 TV puis Virgin 17, rappelle alors combien le jeu vidéo peut être perçu comme un concurrent de la télévision. Quel intérêt pour les grandes chaînes, dans ces conditions, d’évoquer un tel média ?
Il ajoute que les groupes tels que TF1/France Télévision/etc. visent en priorité la ménagère de moins de 50 ans… Une cible restée longtemps hermétique aux jeux vidéo, même si la Wii a fini par changer la donne !
Quant aux dessins animés japonais, Olivier Richard rappelle que les fans sont certes nombreux, mais cela ne garantit pas des réussites au niveau de l’audience. Un fait qu’il a malheureusement expérimenté par lui-même à Europe 2 TV. Seules des “marques” telles que Dragon Ball, Naruto, One Piece – titres qui ont déjà acquis une certaine renommée via leur format papier – sont bien reçus par le public. Avec la télévision, il est primordial d’identifier ce qui est véritablement grand public et ce qui ne l’est pas.

Face à la multiplication des supports numériques (smartphones et tablettes tactiles), il se pose désormais la question de l’évolution du marché de la presse et de l’édition. Selon Alain Kahn, la presse papier est d’ores et déjà condamnée à disparaître. Grâce à la popularisation des tablettes (sous l’effet, notamment, de l’iPad d’Apple), elle devrait avoir une occasion unique d’entamer une révolution complète… Ce qui, à terme, devrait donc conduire à l’émergence d’une presse enrichie (via des photos, de la musique, etc.).
En ce qui concerne les livres, Alain Kahn insiste sur la nécessité de distinguer ce qui est de l’ordre de l’instantané – la presse – de ce qui est durable – l’édition. Pour celle-ci, il prévoit un morcellement en trois types de médias. D’abord, le maintien des ventes des ouvrages abordables tels que les mangas, livres de poches et autres faciles à glisser dans un sac, à lire dans les transports en commun, sur la plage, etc. Ensuite, la multiplication de titres mêlant livres et objets (à l’instar de ces livres de cuisine vendus avec des ustensiles qui, depuis quelques mois, encombrent les rayonnages des librairies). Enfin, l’émergence de nouveaux contenus numériques (par exemple des bandes dessinées agrémentées de musiques et/ou d’animations). En la matière, l’avenir est donc à écrire. Avec beaucoup d’enjeux, tant dans la définition des créations digitales que dans l’émergence de nouveaux modèles économiques. Rendez-vous dans quelques années pour voir comment tout cela a évolué ? 

D’ici là, je vous recommande chaudement la lecture de ces passionnantes Chroniques de Player One !

Pour découvrir d’autres éclairages sur Japan Expo Sud :

Master class de Satoshi Urushihara à Japan Expo Sud 2010

La deuxième édition de Japan Expo Sud s’est tenue du 19 au 21 février 2010 à Marseille. Nous étions évidemment présents pour couvrir l’événement. Et puisqu’un des leitmotiv de notre association est le partage, c’est tout naturellement que nous allons inviter nos lecteurs à revivre les temps forts de la manifestation tout au long de la semaine. Retrouvez chaque jour, à 12h, un nouvel article sur Japan Expo Sud !

C’est un fait que beaucoup méconnaissent, mais l’histoire de l’animation japonaise en France a été fortement marquée par Satoshi Urushihara, mangaka et chara-designer prestigieux invité de Japan Expo Sud 2010. Car c’est lui qui a donné naissance au design des personnages de La Légende de Lemnear, OAV d’héroïc fantasy du début des années 90. Cette œuvre fut la première éditée en VOSTF en 1995 par Anime Virtual, un éditeur qui, quelques mois plus tard, allait devenir Kaze.

Lors de la Master Class qui lui était consacrée, Satoshi Urushihara a montré l’impressionnante étendue de son travail, du jeu vidéo à l’animation en passant par le manga. Il s’est employé à expliciter ses questionnements, à défendre ses convictions et à expliquer comment il cherche à utiliser la quintessence de chaque support (cellulo, dessin numérique, etc.).

Les illustrations de Satoshi Urushihara sont aisément reconnaissables par leur niveau de détails. Un foisonnement source de bien des problèmes pour les studios d’animation avec lesquels il a été amené à travailler. En effet, pour animer des dessins aussi fins, il est nécessaire de s’adjoindre les services d’un nombre important d’animateurs… ce qui a une répercussion directe sur le coût de la production ! Sans parler des soucis techniques que représente, par exemple, un personnage dont la chevelure est composée de multiples teintes de blanc. Satoshi Urushihara prend ces difficultés à bras le corps. Ainsi, il travaille toujours dans l’animation. Récemment, il a notamment réalisé les génériques de fin de Ikkitôsen et Queen’s Blade, deux animations d’une minute et trente secondes sur lesquelles il a pu déployer toute la puissance de son trait.

Tout au long de cette rencontre, Satoshi Urushihara a mis en avant son goût pour l’expérimentation. C’est ainsi qu’il s’est longtemps concentré sur le dessin sur cellulo. C’est le cas d’un grand nombre des travaux qu’il a produits dans les années 90. Un domaine dans lequel il a révélé avoir créé ses propres techniques, par exemple pour réaliser la chevelure de ses personnages : mêler l’aérographe au cellulo. Sa réflexion va évidemment au-delà de la technique. C’est ainsi qu’il évoque, dans le court extrait qui suit, son intention quant à la composition d’une illustration de La Légende de Lemnear

Autre corde à son arc : il a su prendre le virage du numérique. Avec cette technologie, il tente d’aller dans de nouvelles directions et d’en identifier les limites.

Enfin, tout un pan de la conférence s’est focalisé sur son travail en tant que mangaka. C’est lorsque M. Urushihara travaillait sur La Légende de Lemnear qu’on lui a demandé de créer un manga à partir de l’anime. Une tâche difficile. Car si Satoshi Urushihara avait vu certains de ses aînés réussir brillamment dans la création d’un manga à partir d’un dessin animé, il n’avait – lui – aucune expérience dans le domaine. Et il ne pouvait compter, autour de lui, sur personne qui puisse l’aider dans cette tâche. Six bons mois ont alors été nécessaires à l’artiste pour trouver un angle d’attaque. Car il lui a fallu dépasser la différence essentielle entre dessin animé et manga : l’animation est une composition de dessins statiques qui créent le mouvement, alors que le manga doit, lui, donner l’impression de mouvement à partir d’un dessin définitivement figé.

La master class s’est terminée sur une très belle illustration numérique de M. Urushihara. Pour celle-ci, il a expliqué avoir eu envie de réaliser “quelque chose de typiquement japonais”. Quelle meilleure conclusion ce créateur aurait-il pu imaginer pour montrer son talent à allier la culture historique de son pays avec la modernité des dernières techniques digitales ?

Pour aller plus loin :
Lumière d’Horizon
Le Journal du Japon (à venir)