Conférence sur le doublage par Thomas Guitard et Geneviève Doang à Japan Expo Sud 2010


La deuxième édition de Japan Expo Sud s’est tenue du 19 au 21 février 2010 à Marseille. Avec Univers partagés, nous étions évidemment présents pour couvrir l’événement. Et puisqu’un des leitmotiv de notre association est le partage, c’est tout naturellement que nous allons inviter nos lecteurs à revivre les temps forts de la manifestation tout au long de la semaine. Retrouvez ici, chaque jour à 12h, un nouvel article sur Japan Expo Sud !

Explorer l’univers du doublage, tel était le sujet passionnant auquel les spectateurs de Japan Expo Sud ont été conviés lors d’une conférence spéciale. Cette initiation était proposée par deux talentueux comédiens de doublage : Thomas Guitard et Geneviève Doang. Le premier est un directeur artistique français spécialisé dans le doublage, il a notamment travaillé sur les versions françaises de Wakfu, Gundam 00, Gurren Lagann, etc. La seconde est une comédienne de doublage qui s’est distinguée en interprétant Yoko dans Gurren Lagann, Soma Peries dans Gundam 00, Kuromi dans Animation Runner Kuromi, Dorothy dans MÄR,… “Cerise” sur le gâteau : ils assurent les voix off de NoLife. En fait, ils ne sont pas venus au doublage par hasard. Très tôt, ils ont eu un fort attrait pour cette activité, en témoigne leur participation dans la légendaire association GotohWan (structure qui a marqué de sa présence de nombreuses conventions en démystifiant le doublage via des animations sérieuses et ludiques). En devenant professionnels, ils ont finalement réussi à donner corps à leur rêve. Un parcours exemplaire !

La rencontre organisée à Japan Expo Sud a été scindée en deux temps : une phase de questions-réponses avec le public, puis des essais de doublage réalisés directement par des spectateurs. Une formule très séduisante, qui a permis d’illustrer les enjeux et les difficultés pour parvenir à un doublage réussi !

Thomas Guitard et Geneviève Doang sont notamment revenus sur les différences fondamentales entre les doublages en France et au Japon. Dans les studios français, rares sont les occasions où plus de trois comédiens sont simultanément présents pour réaliser une scène. En fait, pour faciliter la gestion du planning de chacun, les doubleurs viennent à tour de rôle enregistrer leur texte. Il est par exemple impossible de réunir, au même moment, les 15 ou 20 comédiens qui interviennent sur une même série. C’est au chef de plateau qu’il appartient alors d’assurer la cohérence du doublage : il est sensé bien connaître la série et préciser aux comédiens les principales caractéristiques des personnages et du scénario. Car quand un comédien arrive dans un studio pour doubler une série, il ne sait pas à l’avance le rôle qu’il va jouer – hormis si c’est un des personnages principaux, auquel cas un casting de voix aura été préalablement réalisé. Le chef de plateau lui présente le contexte de l’histoire, lui montre une ou deux fois la scène à doubler… Et l’enregistrement peut alors commencer ! Le doubleur a, en face de lui, un écran avec, d’une part, la vidéo de la scène et, d’autre part, la fameuse bande rythmo qui défile. C’est elle que le comédien doit suivre tout en incarnant véritablement le rôle qui lui a été attribué (d’où la nécessité, pour être un bon doubleur, de savoir jouer la comédie).

Un dispositif qui contraste très nettement avec le mode opératoire en vigueur au Japon. Là-bas, la bande rythmo n’existe pas. En fait, les comédiens reçoivent généralement à l’avance le texte qu’ils vont devoir enregistrer, le répètent chez eux, et viennent tous simultanément au studio de doublage. Contrairement aux doubleurs français, il n’est pas rare que les Japonais jouent leur texte sans regarder l’image. Cela se traduit par beaucoup de spontanéité et de dynamisme au niveau sonore. La contrepartie, c’est que, parfois, on entend des personnages parler alors qu’à l’écran, leur bouche ne bouge plus.

Malgré les différences qui subsistent entre les démarches françaises et japonaises, nombreux sont ceux qui, ces dernières années, ont remarqué de très sensibles améliorations dans les doublages français de séries animées. Pourquoi ? Thomas Guitard et Geneviève Doang pensent que la raison est à chercher du côté de l’arrivée de jeunes directeurs artistiques sur les plateaux. Ceux-ci ont grandi au contact du manga et de l’animation japonaise et savent en déchiffrer les codes (par exemple lorsqu’un personnage se transforme en S.D.). Ce qui n’est pas le cas des doubleurs ayant la cinquantaine ou plus. En outre, de véritables passionnés – séduits par l’animation japonaise depuis longtemps – sont arrivés “sur le marché”. C’est justement le cas des deux intervenants de cette conférence. Ainsi Geneviève Doang s’est investie sur la traduction d’un certain nombre des épisodes de Gurren Lagann. Un travail qui lui a permis d’aborder le doublage de l’héroïne Yuko avec une meilleure connaissance de cette oeuvre  !
 
Mais des difficultés demeurent : les ventes de DVD de séries animées japonaises chutent – sans doute à cause du piratage des médias vidéos sur Internet – de telle sorte qu’il y a moins de temps et moins d’argent attribué à la traduction, l’adaptation et le doublage de ces titres. C’est la raison pour laquelle un certain nombre de doublages sont désormais effectués en Belgique ou au Québec, où le tarif des comédiens est bien moindre. C’est le cas par exemple du doublage français de Naruto, réalisé en Belgique.
Les éditeurs cherchent donc à faire le maximum d’économies sur la production des versions françaises. Une situation parfois problématique, la qualité ayant un coût

Pour illustrer leur propos, Thomas Guitard et Geneviève Doang ont proposé au public de s’essayer au doublage d’une scène de l’anime Animation Runner Kuromi (qui dévoile justement les coulisses de la création d’un dessin animé au Japon). C’est ainsi que plusieurs spectateurs se sont lancés, dans une atmosphère conviviale et bonne enfant. La vidéo qui suit vous présente l’un de ces essais.

En France, on a longtemps critiqué le travail des comédiens de doublage sur les dessins animés japonais. Mais le contexte d’alors était bien différent. Nous avons désormais la chance d’avoir des doubleurs passionnés qui mettent beaucoup d’eux-même dans leur travail. Ils méritent vraiment que les spectateurs aillent au-delà de leurs préjugés et découvrent par eux-mêmes la qualité de la version française de Gurren Lagann, Gundam 00 ou encore Tales of Fantasia !

Pour aller plus loin :

5 thoughts on “Conférence sur le doublage par Thomas Guitard et Geneviève Doang à Japan Expo Sud 2010

  1. Geneviève Doang, à cause de qui je ne mate plus Higurashi qu’en VF… (son investissement dans le rôle de Mion & Shion Sonozaki étant nettement à signaler.)

    Je note que Thomas Guitard avait participé à une conférence similaire à la Chibi Japan Expo. C’est assez encourageant parce que ça témoigne vraiment d’une volonté de faire remonter le doublage francophone dans l’estime d’un public qui le méprise, le conspue et le démolit à chaque défaut qu’ils peuvent trouver – ce qui ne veut pas dire pour autant que tout est parfait dans le meilleur des mondes.

  2. Oui, tout à fait, j’avais vu qu’il y avait eu une conférence similaire à Chibi Japan Expo (où je n’avais pu me rendre à cause de mon investissement sur les Utopiales le même week-end). Donner la parole aux comédiens de doublage (c’est le cas de le dire) tient d’une volonté positive de promouvoir un peu cette activité, malheureusement tenue en peu d’estime par une partie du public. D’ailleurs, Thomas Guitard et Geneviève Doang – pendant leur exposé à Japan Expo Sud – invitaient les récalcitrants aux doublages français à se porter volontaires pour de petits essais, afin justement de leur montrer les difficultés de l’exercice.

  3. “Cette vidéo est privée.”
    Tu peux m’ajouter à tes amis Youtube svp? ^^;

    En tout cas je trouve le doublage fascinant, et j’aime beaucoup leur travail à tous les deux (Gurren Lagann!)

  4. J’avais malencontreusement laissé certaines de mes vidéos YouTube en privé, c’était une erreur désormais réparée. Tu dois donc pouvoir visionner la vidéo désormais. Merci pour le retour 😉

    Bien d’accord avec toi sur les travaux de Thomas Guitard et Geneviève Doang, et particulièrement sur Gurren Lagann 🙂 (je n’ai pas vu Higurashi qu’évoque Amo)

  5. Que de différences à quelque niveau que ce soit entre Japonais et Français. C’est pour cela que la VO me semble entraînante et que la VF peut paraître moins péchue en comparaison. Il est plus facile de créer une ambiance, une émulation lorsque toute l’équipe est regroupée en studio pour doubler la scène qu’en isolant les comédiens.
    Pourtant pas très adepte de la VF, je me suis laissé dire qu’il y avait du mieux depuis plusieurs années. Il serait dommage que cet élan soit brisé par des moyens insuffisants, un doublage de qualité rend immédiatement un anime plus accessible.

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